• Description


Le 3 décembre sera consacré à une figure hautement respectable : l’arracheur de dents, ancêtre glorieux de nos dentistes modernes. À l’époque, on les appelait aussi « opérateurs »… mais avouons-le, ça sonne beaucoup moins héroïque que « arracheur ».

Je vous vois déjà serrer les mâchoires (par précaution, on ne sait jamais) en vous demandant ce qui va suivre. Pas de suspense sur la fonction : arracher des dents, c’était leur spécialité. Et c’est de là que vient l’expression bien connue : « mentir comme un arracheur de dents ».

Un petit détour par le métier, histoire de planter le décor. L’arracheur officiait en plein air, sur les marchés et les foires, devant un public ravi — ou terrifié, selon le cas. Trois signes distinctifs permettaient de le reconnaître :

  • un collier (de dents, peut-être, pour la touche décorative),

  • un diplôme cacheté à la cire, fièrement posé sur la table,

  • et… roulement de tambour… une paire de tenailles, son sceptre de pouvoir.

Déjà qu’aujourd’hui, beaucoup fuient les dentistes malgré leurs mains délicates et leurs piqûres anesthésiantes, imaginez l’ambiance à l’époque ! Comment convaincre un malheureux de grimper sur l’estrade et de s’asseoir sur la chaise fatidique ?

La réponse : la mise en scène. Avec orchestre, s’il vous plaît. Pas de menuet raffiné, mais du tambour, du cornet à piston et du trombone, histoire de couvrir les cris à venir.

Deuxième acte : le complice. Déguisé en simple badaud, il se laissait séduire par les belles promesses de l’arracheur. Assis sur la chaise, il se faisait ôter une molaire avec une rapidité et une douceur miraculeuses (merci la musique assourdissante). La dent brandie sous les yeux du public, le complice s’extasiait : « Quelle merveille ! Pas la moindre douleur ! »

Avouez que, si vos propres dents vous faisaient souffrir depuis des jours malgré les décoctions de grand-mère, vous auriez été tenté de croire à ce miracle.

Évidemment, la vraie victime, elle, n’avait pas droit au traitement de faveur. Solidement maintenue, elle se faisait arracher sa dent dans la douleur et les hurlements — heureusement noyés dans le vacarme de l’orchestre.

Et voilà pourquoi, aujourd’hui encore, « mentir comme un arracheur de dents » signifie mentir avec un aplomb sans limite, une effronterie digne des plus grands charlatans.